Le Signe des quatre

Avant d'obtenir mon précieux coffret granadesque, je n'avais qu'internet pour visionner les épisodes et films de la série Granada. A l'époque, je n'avais réussi qu'à trouver la VO sans soutitrage du Signe des quatre que j'ai tenté de voir sans avoir lu le bouquin auparavant. Évidemment, j'ai rien compris, je me suis endormie dessus et je me suis dit que c'était bien nul.
Et bien maintenant, il en est autrement (ouf !) !

Bien sûr que j'aime ce film, tout autant que le roman
Entre les deux, la trame générale est la même, SAUF (et je n'apprends rien à personne):

- Dans le film, Miss Morstan ne devient jamais Mrs Watson
ça peut se comprendre. C'est plus un choix pragmatique à mon avis. ça simplifie la réalisation des épisodes, Watson n'a pas à demander l'autorisation de Madame pour partir en vadrouille, ça n'empiète pas sur le duo de béton Holmes/Watson, on n'a pas besoin de garder la même actrice pour de fugaces apparitions sans réel rôle dans le truc (sinon redondant avec Mrs Hudson). Après, ils auraient pu faire à la Colombo (Ma femme me dit toujours...), mais ça concurrence la Référence qu'est Holmes alors hein.
ça aurait pu quand même être intéressant mais faut vouloir la complexité alors et focaliser vraiment sur le duo d'aventuriers en déséquilibre relationnel (et ça donne la version cumberbatchienne qui est pas mal même si parfois tirée par les cheveux). ACD l'a fait en quelques lignes dans le roman où Holmes grogne et râle sur le mariage pas compatible avec le boulot de détective.
Au fait, je n'adhère pas à la théorie "Miss Morstan est une prostituée". Après deux lectures du roman, je n'ai pas du tout cette impression, même en connaissant les passages "controversés"

- Le début et la fin de l'histoire cocainées
L'épisode Scandale en Bohême reprend le début du roman et, comme c'est le premier épisode tourné, ben cette partie disparaît du film.
La fin du roman étant un parallèle du début (le roman se finit sur Holmes préparant mélancoliquement sa piquouze), c'est donc aussi squizé à la fin du film.
Ce qui est dommage, c'est que ça enlève tout l'aspect contraste entre l'aspect dynamique de Holmes et son aspect ennui/fatigue donc je me drogue. Dans le film, on sent bien que Holmes est ultra énervé quand sa dynamique est bloquée (d'ailleurs la citation du fameux rageur "Je mangerais à telle heure mais après-demain" est empruntée à la Pierre Mazarin, je crois), et on sent aussi la grande fatigue que lui a coûté l'aventure. Mais le gars part juste pioncer comme jamais (avec une grosse migraine semble-t-il ). Bon, c'est pour le politiquement correct j'imagine.

Des différences dans les détails

- La descente de Pondichery Lodge en rappel sans corde
Dans le roman, cette petite activité holmésienne se déroule de nuit (avec une lanterne autour du cou ) et Holmes est pieds nus (oui, il a enlevé ses "bas" et ses chaussures ).
Dans le film, elle se déroule de jour et avec les chaussures. Ce qui est d'ailleurs un exploit de la part de Mr. Brett (A-t-il TOUT descendu lui-même ??? J'en doute...) étant donné qu'il était sujet au vertige. ça aurait été plus simple pieds nus pour les prises au mur à mon avis, sauf que le tournage s'est fait en hiver et qu'avoir les orteils gelés c'est pas génial...

- Dans le film, on n'a pas l'épisode de déduction de la montre de Watson (bien reprise dans la version adaptée cumberbatchienne et dans la série avec Joseph Bell et ACD )

- Dans le film, il manque une de mes citations préférées : "Le mauvais goût mène au crime" (in french !) dite par T. Sholto

- De plus, il n'y a pas les retrouvailles entre le boxeur Mc Murdo et Holmes (qui l'avait mis KO dans le temps lors d'un match ) aux portes de Pondichery Lodge, ce qui équivaut à un laisser-passer en bonne et due forme pour la petite équipe.

- Dans le film, Watson ne sait pas que Toby est un chien avant d'être rentré dans le magazin du vieux naturaliste. Il est plus vif d'esprit dans le roman (c'est rare dans le sens là d'ailleurs)

- Dans le film, Holmes fait mariner (haha c'est le cas de le dire) Watson et Jones un peu plus longtemps en leur faisant croire qu'il n'est qu'un vieux marin grincheux attendant que lui-même arrive, ce qui est bien plaisant !  

Petits moments à noter selon moi :

- Quand Miss Morstan raconte son histoire au début et que Holmes semble à moitié écouter et qu'il part dépoussiérer ses vêtements. C'est pas très sympa...
- Ce magnifique cadrage qui compense l'absence de mariage Watson/Morstan dans le film :

Quel joli petit objet d'art en premier plan...

Avant tout deux fois félicitations: pour ton beau travail d'analyse comparative et pour  ton investissement Granada

Pour moi le Signe des Quatre est l'un des plus brillants épisodes de la série !
L'adaptation reste néanmoins très fidèle, certes il y a des différences mais comme tu dis plutôt des détails. Ces digressions sont totalement oubliées avec l'excellence de la mise en scène et de l'interprétation.  On peut regretter de ne pas assiste à l'histoire d'amour de Watson et Mary Morstan, mais c'est bien mieux comme ça. L'amitié du vieux couple Holmes/Watson reste intacte et inébranlable
On est au plus près de l'original car il n'était pas souhaitable de dénaturer l'histoire. Pauvre Watson il a un coup de blues à la fin en voyant disparaitre Mary...
Le film est ambitieux, magnifiquement réalisé et dépaysant au niveau décors et atmosphère. Londres, les quartiers miséreux, les docks, les Indes et la demeure fantastique de Sholto.
Certaines scènes sont comiques avec le Sholto et l'inspecteur qui ne vaut guère mieux, et j'aime aussi beaucoup la présence des Irregulars.
Les obstacles imprévus relancent constamment le suspense et l'histoire.
JB nous offre ici une interprétation magistrale, et des facettes multiples de Holmes, vivacité, mélancolie,  investigation implacable, déguisement et même séance escalade !
La fin avec la poursuite sur le fleuve reste un peu longue et la reptation de Small dans la boue vraiment pénible.
Sinon le film est excellent

Merci Dyan. C'est un plaisir partagé ! J'étais frustrée de ne pouvoir m'étaler sur la fresque holmésienne granadesque quelque part. Alors là, je me fais plaisir et, c'est aussi très intéressant pour moi-même de m'obliger à ces comparaisons série/oeuvre écrite. ça m'oblige à bien relire tout et à revenir dessus (c'est bon pour la mémoire !) et c'est une bonne chose !
Et ça aide quand on poireaute dans la salle d'attente du médecin pendant une heure comme cet aprèm ! J'étais d'ailleurs la seule des patients à avoir un livre en main (Le Chien des Baskerville !)... Tous les autres étaient sur leurs téléphones...

C'est vrai que la poursuite en péniche n'est pas des plus intensive au regard de nos critères actuels. Bon, à l'époque (doylienne) ça faisait son petit effet.

Je m'associe à Dyan et te félicite pour ce travail comparatif qui demande beaucoup d'attention et d'esprit d'analyse. Je crois avoir découvert Granada, Conan Doyle et Jeremy Brett avec "Le Signe des Quatre" ! ! Le film m'avait emballée. Jeremy Brett (54 ans à l'époque) était superbe, grand, mince, très sexy, et surtout plein de talent. J'étais tombée sous son charme et la suite des épisodes ne m'a jamais déçue.

C'est vrai qu'on est triste pour Watson de voir l'amour de sa vie s'éloigner à jamais. Très beau jeu d'Edward Hardwicke, tout en retenu et en finesse. Mais, Dyan a raison, on ne pouvait pas rompre le duo formé par les deux amis Holmes/Watson. Leur complicité est un élément moteur du succès de la série Granada.

L'épisode est sans doute un peu incohérent parfois, mais le rythme est soutenu et la mise en scène de Peter Hammond est réussie. Il parait que Conan Doyle n'a mis qu'un mois à écrire cette histoire, car, s'étant engagé auprès d'un éditeur (Joseph Stoddart) à lui fournir un roman, il a dû interrompre par ailleurs l'écriture d'un livre historique auquel il tenait beaucoup et qui le passionnait : La Compagnie Blanche". Il s'est  alors "débarrassé" vite fait de son "Signe des Quatre" pour tenir sa promesse  !! A+

 Oauis, c’est bien grâce au chien Toby et ausssi aux irregulars que Holmes remonte la piste jusqu’au bateau l’Aurora. Brave toutou !

Conan Doyle devait apprécier la race canine. V’là c’qu’il a fait dire à Holmes (j’crois qu’c’est dans « l’homme qui grimpait " :

« Les chiens sont le reflet de la vie familiale. Qui a jamais vu un chien folâtre dans une famille lugubre ou un chien triste dans une famille heureuse ? Les grognons ont des chiens grognons ; les gens dangereux ont des chiens dangereux. Et les chiens fantaisistes peuvent être le reflet d’individus fantaisistes… »  bien vu , j'trouve. C'est vrai qu'souvent, les toutous ressemblent à leur maitre !!!  

D'ailleurs, dans le Signe des Quatre, Holmes dit qu'il préfèrerait "l'aide de Toby à celle de tout Scotland Yard." C'est gratifiant pour la gente canine et pas très sympa pour la police !

Il faut dire qu'à la même période (le Signe des Quatre est écrit en 1889), il y eu les premiers tests de chiens "détectives" à Londres. Après moult critiques quant à l'efficacité de Scotland Yard, le commissaire Sir Charles Warren se décida enfin à utiliser, pour la traque de Jack l’Éventreur (1888), deux bloodhounds, des gros molosses utilisés pour la chasse (Le chien des Baskerville est d'ailleurs un bâtard entre le bloodhound et le dogue anglais). Mais ça n'a pas été une franche réussite... En effet, l'un des chiens mordit le commissaire avant de s'échapper avec le deuxième canidé et il fallut réquisitionner plusieurs policemen pour les retrouver...

Les meilleurs débuts en terme de brigade canine viennent de France et de Belgique (1899) où l'utilisation des chiens s'est institutionnalisé (en France, pas réellement avant 1907). En Angleterre, les essais concluant n'arrivent pas avant 1908. L'Allemagne et l'Autriche finalisèrent le croisement et le dressage des chiens (les fameux bergers allemands) pour la police avec la première école pour chiens policiers en 1920.

Mais le seul vrai, hein, c'est Toby !

Un Chat qui parle de chiens, haha !