Alors moi, je suis une vraie extraterrestre.
Dès le premier visionnage, j'ai adoré ce film. Et au 4ème visionnage, je l'adore toujours !
En tant qu'holmésienne, ça ne me choque pas plus que ça, même si la fusion de deux nouvelles et les arrangements qui vont avec peuvent irriter les puristes.
Pour ce qui est de la nouvelle "L'aristocrate célibataire", l'histoire est bien reprise avec ses éléments clés. Il y a juste que, dans la nouvelle, ça se finit en "réconciliation" au 221B où Hettie, accompagnée de son vrai mari, raconte tout à Saint Simon et lui demande pardon. Il le lui accorde d'un air pincé mais refuse de rester dîner avec tout le monde (Holmes avait fait appel au traiteur du coin pour une petite bouffe sympa chez lui pour l'occaz

). Oui, dans la nouvelle, c'est juste un lord qui a la poisse avec un orgueil boursouflé qu'il ne peut mettre dans sa poche. Un minable, mais c'est tout.
Alors que dans le film, c'est un bon gros méchant

Et il valait mieux que ce soit ainsi parce que les méchants des précédents films étaient déjà des grosses pointures en la matière
Pour ce qui est de "La pensionnaire voilée", ben il n'en reste pas grand chose finalement. A part le côté mystérieux de cette femme au visage caché et la blessure qui la défigure. Et je trouve que ce n'est pas plus mal. Parce que dans la nouvelle, c'est juste une femme qui veut se débarrasser de son alcolo-violent de mari et qui collabore au piège organisé par son amant pour le tuer. Sauf que hein ça foire un peu (bon, le mari meurt bien hein quand même) et, manque de bol, le lion est moins coopératif et fait un peu n'importe quoi (Ah ! Les félins ! On le sait pourtant que c'est plein d'imprévus ces petites bêtes !). Même si ça se passe dans un cirque, ben ça n'a rien de transcendant pour ma part.
Sans compter que la réaction de Holmes, lors du "dévoilage" du visage meurtri, est beaucoup plus appréciable dans le film que dans la nouvelle !
Il suffit que je cite celle-ci : "C'était horrible. Aucun mot ne peut décrire le cadre d'un visage lorsque le visage lui-même a disparu. Les deux beaux yeux marrons et vivants qui regardaient tristement à travers cette effroyable ruine ne rendaient que plus affreuse cette vision. Holmes leva la main dans un geste de pitié et de protestation, et ensemble nous quittâmes la pièce."
Oh les pauvres chouquettes hein...

Un peu plus et ils en gerberaient !
Dans le film, Holmes est bien plus empathique et sensible. Il ne détourne pas les yeux mais n'ignore pas non plus la souffrance de la lady. Il est aussi délicat qu'avec Miss Winter dans L'illustre client. Et pour ça :
Alors que réutiliser ce personnage à l'allure mystérieuse dans ce "thriller" holmésien a été une super idée !
Parce qu'avec cette ambiance de folie, cette ambiance à la Whitechapel où l'ami Jack pourrait très bien apparaître dans Baker Street, ben créer ce personnage d'Erynie martyre qui veut faire payer à son beauf, c'est bien vu ! Rien à voir avec la pauv' nénette de la nouvelle qui suit l'idée à la mord-moi-le-noeud de son Jules et qui en paie les pots cassés (parce qu'en plus son Jules se barre en courant sans se retourner, le con !)!
Parce que oui, il y a un truc qui est chouette dans ce film, c'est qu'on a des personnages féminins de haut vol.
Déjà donc, cette femme voilée qui dépasse son traumatisme et donne un coup de main à Holmes.
Mais aussi sa soeur jumelle qui ne perd pas le nord malgré ses 7 années de détention dans des conditions ultra limite et qui nous zigouille le méchant. Bon, faudrait vraiment voir si sa technique est vraisemblable quand même...mais pourquoi pas. 7 ans c'est long et avec tout ce temps pour faire des tractions et des abdos, tout est possible ! Et ça, sans se péter un ongle !
Et ma préférée : Hettie
Non seulement elle est canon, mais en plus elle a du courage à revendre.
Bon, c'est sûr, elle cherche vraiment les ennuis pour revenir à Glavon carrément dans la gueule du loup tout en étant totalement consciente du danger mortel. Mais, comme elle le dit, savoir tout ce que son ex a commis comme horreurs, ça ne lui fait pas peur, non, ça la met en rage !

Bah, elle a déjà fait baisser les yeux à un grizzli, alors à un psychopathe et son assassin de serviteur (+ le jaguar), no problem !

Et, même, ligotée, elle arrive encore à garder son sang-froid et mettre un bon coup de coude dans les genoux du sale type au verre vert (haha!). Si c'est pas être coriace, ça... Mon dieu, si elle avait fait des arts martiaux...j'vous dit pas !
Mon autre préférée serait Mrs Hudson quand elle attend, avec une patience d'ange jusqu'à une heure indue, Holmes alors qu'il avait paumé ses clés. Elle lui fait comprendre à la fois que ça l'énerve à max mais qu'en même temps il vaut bien cette attente et cette patience.
Petit bonus : Autre nana à qu'on ne peut pas prendre pour une buse, c'est la vieille lady au p'tit chien. Elle voit tout, elle comprend tout et elle s'en amuse ! (et nous avec)
Sinon, oui, l'ambiance est lourde même si l'esthétisme est là. Oui, c'est un thriller. Oui, on a l'impression que la folie est partout. Oui, Holmes s'ennuie à mourir et pète un câble. Mais sans tension nerveuse, ça ne serait pas un thriller... Et Watson, revenant de son séminaire, aborde bien la manière de démêler ces nerfs en pelote : la science des rêves de Mr Freud ! Ah !

Et c'est ce qui se passe : le cauchemar obsessionnel de Holmes n'est qu'un trousseau de clés pour résoudre le mystère. Et une fois qu'il sait quel genre de sale type il a à combattre, il se sent tout de suite mieux !
Ah d'ailleurs, cette fameuse tirade du "Dites donc, je vous envie d'avoir cotoyé ce Saint Simon, quelle chance vous avez eu !" (en gros hein, je me souviens plus des mots exacts)... Tout d'abord, comme la lady voilée, on se demande si on a bien entendu là et que, hein, elle aurait préféré largement s'en passer merci. Sauf que, la réplique de Watson y donne tout son sens holmésien : Parce qu'il a mesuré l'ampleur du machiavélisme du mec, Holmes est motivé à 200%. Et quand il est motivé comme ça, nous n'avons plus la figure holmésienne de la première partie du film : blasé, déprimé, dépassé, embrouillé, paumé et faisant n'importe quoi dans la rue (le côté pitoyable de la scène du caniveau ne me gêne pas dans ce contexte). Nous avons un Holmes qui reprend du poil de la bête et qui repart comme en quarante ! Cf la bonne petite bagarre avec Thomas Floutier !

Du coup, ce contraste à la Caravage donne de la puissance émotionnel au film
Re-petit bonus de rêve : Dans la nouvelle, c'est Lestrade et non Montgomery qui enquête pour Scotland Yard... Dans le film, ils ont admirablement rebondi par LE trait d'humour du film qui vaut son pesant d'or : Holmes râlant sur l'absence de Lestrade parti en cure thermale avec sa femme. Outré le Holmes, parce qu'il préfère Lestrade qu'il aime bien
Je sais que Mr Brett était dans un état maniaque lors du tournage, qu'il n'était pas bien. Sauf que, même le sachant, cela n'entache en rien mon plaisir lors de mes visionnages. Et je pense que cela est simplement dû au fait qu'il est un excellent acteur et qu'il arrive à faire passer d'abord son personnage avant sa personne ou, encore mieux, à intégrer sa personne au personnage. Parce que son angoisse et celle de Holmes fusionnent très bien ici et, pour moi, ça passe comme une lettre à la poste. Je ne vois aucun décalage entre l'idée du film et ce qu'on perçoit du film.
Alors, je me dis même que, si j'avais été dans la salle au moment où Mr Brett l'avait lui-même visionné, à la fin, je me serais retournée pour lui dire que moi j'ai adoré toutes ses bonnes idées et que rien n'est à jeter (et comme j'ai une tête qui ne peut absolument pas cacher ce que je ressens, il aurait bien vu que c'est pas du chiqué). ça l'aurait peut être un peu consolé...

Bref, j'adore le Mystère (de fous) de Glavon Manor
